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Journée des droits de la femme du 8 mars 2022

Publié le lundi 07 Mars 2022 - Temps de lecture : ~5 min.

Journée des droits de la femme du 8 mars 2022 : Un peu d’histoire

Une histoire en filigrane, tissée d’invisibilité :

Un monde d’hommes qui occupent les fonctions de représentation et de pouvoir : extrêmement peu de traces des femmes dans les documents administratifs conservés aux Archives de BLV, ce qui ne veut pas dire qu’il n’y ait pas eu de femmes tout à fait remarquables à BLV.

Une invisibilité des femmes pourtant bien présentes dans un univers de travail due à des sources qui ne les prennent pas en compte notamment les tableaux récapitulatifs de recensement. Des femmes dont tout le travail à domicile n’est pas reconnu, et qui ont laissé peu de témoignages.

Des femmes que l’on ne juge pas nécessaire de former à l’instar des hommes, donc peu scolarisées et que de fait on emploie à des tâches jugées subalternes, moins qualifiées, donc moins payées et que l’on renvoie sans autre forme de procès lorsque l’on n’a plus besoin d’elles. Elles sont considérées avant tout comme gardiennes du foyer et mères de famille, bref des personnes qui n’ont pas d’histoire.

Des femmes bien présentes envers et contre tout

Légende de la photo : Cartoucherie de BLV, atelier de chargement , AC BLV, Coll.Rambaud

 

1) Des héroïnes malgré elles : un certain 15 mai 1916 à 17h 30, dans l’atelier de chargement à la cartoucherie…

Un jour de travail comme un autre dans la grisaille de jours qui se ressemblent tous, si ce n’est que ce mois de mai, l’embauche est particulièrement nombreuse : 228 ouvrières supplémentaires novices qu’il a fallu former « sur le tas » ; il en est arrivé plus de 500 depuis le début de l’année. La manipulation de la poudre est dangereuse, d’autant plus qu’il faut aller toujours plus vite. 17h 30 dans l’atelier de chargement, une explosion, un incendie dû à un court-circuit, un sinistre de 10 mn, 12 victimes dont sept grièvement atteintes : six cartouchières et un homme. Grièvement blessées, les victimes sont transportées dans un état critique à l’hôpital de Valence dans la basse ville. Pour l’une d’elle, il est déjà trop tard, Fanny Volozan est morte sur le coup et les autres ne survivront pas à leurs brûlures. La presse1 se fait l’écho de cet événement douloureux en particulier le Journal de Valence qui déplore la disparition d’une jeune fille de vingt ans, Jeanne-Marie Barjon que la direction connaît personnellement car elle a travaillé pour l’imprimerie du quotidien. Elle va personnifier le sacrifice d’une pure jeune fille pour la défense de la patrie. Ce sont près de 4000 personnes qui suivent son cercueil, ceux de Fanny Volozan et de Marie Chovet à Bourg-lès-Valence : le personnel de la cartoucherie au grand complet, les autorités civiles, militaires et religieuses. Les officiels prennent la parole, dont le préfet Charles Maulmond : […] « Nous sommes à une heure grave ou sans distinction de sexe, d’âge et quelle que soit la distance qui sépare la frontière, on tombe en soldat. Les femmes que nous accompagnons participaient étroitement à la défense nationale. Il y a là une jeune fille, un être de douceur et de grâce, une fleur détruite avant l’éclosion. Elles sont mortes pour la Patrie, inclinons-nous profondément. » […] Marie-Jeanne Clermont autre victime, est enterrée quelques jours plus tard.

Ce que l’on sait des victimes :

Fanny-Louise Volozan, (50 ans) née à Romans le 2 avril 1866, meurt le 15 mai 1916 à 17h30 à la cartoucherie de BLV mais est immédiatement transportée à l’hôpital de Valence pour identification.

Elle épouse en premières noces Joseph Philippe Volozan, puis devenue veuve, épouse en secondes noces Charles Martin dont elle divorce. Elle est domiciliée à BLV.

Marie-Joséphine Chovet née le 18 janvier 1860 (56 ans) à Valence, meurt le 16 mai 1916 à 10h du matin

femme de Jules Chovet, domiciliée 60 av. M. Urtin à BLV.

Jeanne-Marie Barjon : née le 5 août 1895 (21 ans) à BLV, morte le 16 mai 1916, à 14h, à l’hôpital de Valence

La famille est cruellement touchée : elle est entrée à la cartoucherie en automne 1914 en même temps que sa sœur Marguerite-Madeleine2 pour suppléer à l’absence des trois hommes de la famille mobilisés. Elle était employée avant au Journal de Valence .

Marius, le frère aîné, classe 1912, 140E RI, sergent, est mort le jour de Noël 1914 à Lihons, enterré à Pertain par les Allemands.

Le père Victor Eugène, rappelé lors de la mobilisation, appartient à la réserve auxiliaire car il est bègue. Sa nombreuse famille lui permet d’être libéré en mars 1915.

Charles est blessé à la cuisse gauche à l’été 1915, hospitalisé à la Bourboule. Il est considéré comme invalide avec des difficultés pour se déplacer.

 

Jeanne Marie CLERMONT née à BLV, rue des Encloses, le 12 décembre 1885, (30 ans) meurt le 20 mai 1916 à l’hôpital de Valence à 1h du matin

Elle épouse à BLV le 31 octobre 1903 Noël CLERMONT journalier dont elle divorce en 1914 à ses torts et griefs. Ils habitaient rue Carnot. Elle laisse 4 enfants orphelins.

Elle est entrée à la cartoucherie à une date pour le moment indéterminée car son nom ne figure sur aucune des listes des ADD.

Leur nom figure sur le monument aux morts de BLV mais elles n’ont pas été déclarées Mortes pour la France.

Une grève pour la paix…

En 1917, la situation au front est désastreuse ; des grèves touchent les usines d’armement dès le mois de janvier et reprennent en mai. Les cartouchières de l’atelier de chargement menacées, semble-t-il, d’une baisse de salaire refusent de travailler et se mettent en grève . Le 12 mai, le commissaire de police de Valence adresse son rapport au maire de la ville : « A 2h 45 du matin, environ 450 femmes se sont formées en cortège à Bourg-lès-Valence et sont venues manifester en ville, en conspuant notamment leur chef d’atelier, le capitaine parant et en criant : « à bas la guerre ! Rendez-nous nos poilus ! Du charbon etc. »

2) Témoignages de cartouchiers au sein d’un atelier d’écritures en 1994

Dix-huit anciens cartouchiers et cartouchières ont écrit leurs témoignages de travail au sein d’un atelier d’écritures. Les textes ainsi rassemblés ont donné lieu à l’édition d’un livre « Mémoires de cartouchiers » en 1996. Germaine Brancourt, Georgette Fraysse, Rolande Pisano, Hélène Ponson, Renée Vareille ont participé à l’atelier d’écritures

Les femmes travaillaient plutôt dans l’administration et dans les ateliers de production où elles exerçaient le plus souvent des tâches extrêmement pénibles et parfois dangereuses, liées à la fabrication de cartouches de différents calibres, qui se décomposait en de multiples opérations accomplies par des ateliers bien distincts, notamment dans la vérification..

 

Légende de la Photo : Cartoucherie de Bourg-lès-Valence, Renée Domon et Solange Bureau, vérification à vue des étuis de cartouches terminés, 1952, AC BLV, © CAA, ministère de la Défense.

Les Borgnes

« le perçage des trous d’évents dans le culot des étuis s’effectuait par forage ou par poinçonnage suivant le calibre des cartouches. Dnas les deux cas, il arrivait fréquemment que, par suite de la cassure ou de l’usure de l’outil (foret ou poinçon), la producution relative à cette opération contienne des étuis qualifiés de borgnes, c’est à dire ne présentant qu’un seul trou d’évent au lieu des deux prévus. Un contrôle unitaire à vue éliminait tout étui non conforme, détérioré ou recelant un fragment d’outil dans l’ébauche du trou. »

Texte de Georges Brot, Mémoires de cartouchiers, atelier d’écritures, centre social Louis Jourdan, 1996, p. 74

3) Des femmes élues pour la première fois au conseil municipal de BLV en 1945

Lucile Herbet et Marie Blachier,

Le 31 août 1944, dès la Libération, le comité local de libération, sous la présidence de Jean Vacher, occupe la mairie de Bourg-lès-Valence pour y siéger en permanence jusqu’à la nomination du prochain conseil municipal. Une seule femme dans cette honorable assemblée, Rolande Thorn qui, comme toutes ses pareilles, vient enfin d’obtenir le droit de vote par l’ordonnance du 21 avril 1944. En mai 1945, les femmes peuvent posent pour la première fois un bulletin dans l’urne à l’occasion des élections municipales et à Bourg-lès-Valence, le doyen de l’assemblée, dans son discours d’ouverture, félicite deux nouvelles élues femmes, Lucile Herbet, institutrice retraitée et Marie Blachier employée des postes.

Biographie de Lucile Herbet : un parcours républicain

née le 27 avril 1887 à Montmeyran (Drôme), décédée le 28 août 1987 à. Valence

Grands-parents et parents paternels et maternels modestes agriculteurs à Montmeyran. Père protestant, mère catholique.

Melle Herbet a fréquenté l’école primaire de Montmeyran jusqu’à l’âge de 14 ans, elle vouait une fervente admiration à son institutrice, Melle Blachasse, dont le père républicain avait été déporté en 1851. Après deux années au cours complémentaire de Chabeuil, elle a passé trois ans à l’École normale de Valence de 1903 à 1906.

Elle fut nommée tout d’abord à Eygluy qu’elle rejoignait en deux jours en prenant deux « pataches », Montmeyran-Crest puis Crest-Beaufort s/Gervanne et à pied les six derniers Km.

Elle alla ensuite à Montélier où elle se fit remarquer en refusant de conduire les enfants à l’église. Après Saint-Marcel, elle occupa le poste de directrice de la principale école de filles de Bourg-Lès-Valence, place de la Liberté, en 1928).

Elle a inauguré l’école du quai Thannaron dont elle a occupé le logement de 1933 à 1941, (année de sa mise d’office à la retraite à 54 ans). Ses élèves se souviennent de l’interdiction absolue qu’elle leur avait donnée d’applaudir ou de crier “Vive Pétain” au passage d’un ministre d’alors.

Pendant toute sa vie professionnelle, elle a beaucoup voyagé en France surtout notamment à Paris où elle allait au théâtre. Elle aimait beaucoup la nature, la peinture et surtout les livres. Elle était au courant de la vie littéraire, achetait chaque année les prix. Elle était l’amie d’un écrivain qu’elle conseillait par ses analyses et ses critiques. Elle appréciait la toilette ; tous les ans, à la fête des écoles, on remarquait son élégance.

En 1945, elle est devenue l’adjointe aux affaires sociales du maire socialiste (Jean Vacher) de l’époque. Elle a accompli ainsi deux mandats de 1945 à 1957.

Elle s’est occupée activement de l’achat puis du fonctionnement de la colonie de vacances de la Vacherie, (elle y consacra une partie de ses gains). C’est elle qui a organisé le premier goûter de Noël des personnes âgées.

Melle Herbet a vécu les vingt dernières années de sa vie seule dans l’appartement qu’elle occupait depuis plus de 50 ans, quai de la Libération. Étant cardiaque et vivant au 2e étage, elle ne sortait plus. Après avoir soigné sa mère, sa sœur, son frère, elle n’avait plus de famille.

Malgré son grand âge, sa solitude, elle avait su garder une vivacité d’esprit, un intérêt pour les choses de la vie qui surprenaient les quelques personnes qui lui rendaient visite.

Elle a donné son nom au centre social et crèche multi-accueil, rue des Jardins, construits dans les années 1990.

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